Des salades, des tomates, des pommes de terre, là, sur un bout de trottoir, au pied des arbres plantés sur les grandes axes. Depuis janvier, les membres d’un mouvement qui se fait appeler « Guérilla potagère » cultivent des micro-lopins de terre au cœur l’hyper-urbain.
Dans une grande rue de Lille : un panneau, un platane, un panneau, un platane, une salade, un plata… Une salade ? Une salade. Et même des pommes de terre. Et même des tomates. Depuis quelques mois, des micro-potagers ont germé dans Lille là où on ne les attend pas. Sur des bouts de terre que plus personne ne regarde, comme les carrés au pied des arbres qui bordent les routes. Pas grand-chose, un ou deux mètres carrés de liberté.
Rue Bûle-Maison, pile face à la CAF, de beaux plants de patates s’épanouissent au soleil tandis qu’à quelques mètres des frisées s’épaississent à vue d’œil. Planter librement dans l’hyper-urbain : l’idée a germé en Angleterre et les graines se sont dispersées dans le monde entier. Hors Lille, on appelle ça « Incredible Edible », pour Incroyable Comestible. En janvier, Julien, l’un des membres de la Guérilla potagère, s’intéresse au phénomène et constate une lacune. Sur la carte lilloise, foin de tomates sur terrain vague. Une réunion est organisée.
Certains ne sont pas restés « parce qu’il y avait trop de monde, dès la première réunion ! », se souvient Julien. Une trentaine de doux dingues accrochent à l’idée fraîche. Et cogitent. D’abord, le nom. « On tenait à se démarquer. Incroyable Comestible, ça sonnait bof. On a trouvé rigolo d’associer Guerilla à potagère. C’est tellement improbable ! » Ensuite, trouver les terres. « On s’est rapprochés de la mairie. Pas pour demander une autorisation, mais juste pour les prévenir. »
Les patates et la liberté
Lise Daleux, Cyrille Pradal ou encore Vinciane Faber, élus Verts, ont apporté leur bras et la caution « sérieux » au projet. Pas d’autorisation. Ni même de notes internes. Le projet Guérilla potagère cultive les salades, les patates et la liberté. « Qui va vous dire quelque chose si vous plantez une tomate ?Faut arrêter de se prendre la tête ! », se marre Julien. « Le truc, c’est de le faire là où c’est intelligent et non dégradant. »Le collectif plante là où la ville n’a plus les moyens d’entretenir, par exemple. Et voilà l’armée de la Guérilla potagère qui investit des bouts de terre. Chacun sa bêche et son seau. Aucune carte des terres exploitées pour l’instant. « Ce n’est pas quelque chose d’organisé, chacun fait comme il veut ! »
Loin des carcans classiques. La terre ? Elle est à tous. La récolte ? Elle profite à tous. « C’est de la nourriture à partager », martèle Julien. Comme la joie des gamins bluffés de découvrir, sur le chemin de l’école, trois-quatre salades qui poussent. Les risques ? « On sait qu’un mec bourré pourrait passer un soir et tout saccager. Mais c’est le jeu. » Julien imagine déjà sa première récolte de pommes de terre. « Je m’en ferai des frites, pour la Braderie. »
Et le pipi de chien alors ? On a osé, il s’est gaussé. « C’est drôle ça, les gens s’inquiètent du pipi de chien alors que ça les gêne moins quand les légumes sont arrosés de produits chimiques ! »
Source: La voix du nord